Le grand philosophe Michel Serres a écrit en signant la préface de mon livre sur les cristallines : « le Roi Michel Trama ». Quel honneur et quelle malice ! Mais de la royauté je n’ai toujours aimé que les bouffons. Un bouffon, c’est avant tout un homme de coeur, un amuseur, un lanceur d’alerte, le seul à pouvoir dire les choses au roi... Celui qui ose ! Oser ? C’est ce que je m’efforce de faire depuis toujours en cuisine, et de cette liberté, j’en ai tiré une force.
Commençons par le début : je suis né à l’âge de 13 ans, le jour où pour la première fois de ma vie j’ai mangé un poulet. Plus tard, j’ai débarrassé des assiettes dans une pizzeria, par nécessité. Ma première expérience du métier ! Je suis autodidacte : j’ai testé, tâtonné, appris jour après jour. Le travail, la rigueur et l’enthousiasme m’ont permis de progresser. Et les rencontres aussi... Avec de grands chefs, de grands hommes, des hommes de savoir et de coeur. Alors j’ai osé créer. Créer, à mon sens, c’est transgresser les règles du répertoire culinaire avant même d’en connaître l’existence. C’est savoir cultiver sa différence pour atteindre une cuisine instinctive et inventive, une cuisine que j’ai toujours appuyée sur le produit et le goût.
Lorsque je suis arrivé à Puymirol, dans le Lot-et-Garonne, ce sont les produits qui m’ont adopté avant que je ne les épouse. Je me suis mis à leur service. Présider les Tests-Produit Gourmets de France au centre de formation d’apprentis d’Agen, sur la terre où j’ai choisi de m’installer, c’est encore se mettre à leur service.
Mais revenons aux bouffons : ils sont là pour éveiller les consciences.
À Puymirol comme ailleurs, la solidarité et l’écologie ont toujours fait partie de ma vie. Mais attention, je parle de l’écologie sincère, pas de celle qui résulte d’un calcul politique. Pour ces raisons, j’ai créé l’association Les Bouffons de la Cuisine, ouverte à tous les chefs et métiers de bouche.
Son principe est simple : aider les plus démunis grâce à plusieurs actions : une tirelire placée dans tous les restaurants participants pour aider les personnes défavorisées, des centaines de repas offerts aux familles et servis par des bénévoles dans des lieux publics pour les fêtes de fin d’année, des actions de réinsertion pour rompre l’isolement en travaillant soit dans des ateliers, soit dans des potagers bios... Toutes sortes d’initiatives solidaires soutenues par les Bouffons car chacun peut apporter sa pierre à l’édifice.
Je suis à l’automne de ma vie de cuisinier et plus que jamais je reste un Bouffon qui ose. Oser la solidarité, oser l’écologie avec tous ces chefs de coeur qui adhèrent avec enthousiasme et générosité à notre association. En quelques jours, on compte déjà plus de 110 étoiles qui vont venir illuminer le Noël des plus démunis.